31-05-2017 Métier

Comment tirer parti des mauvaises herbes dans l’aménagement paysager ?

Les mauvaises herbes sont souvent victimes de leur réputation. Pourtant, il est possible d’en tirer des bénéfices !

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Mauvaises graines ou belles plantes ? Les mauvaises herbes sont souvent victimes de leur réputation. Pourtant, il est possible d’en tirer des bénéfices… à condition, bien sûr, de les connaître ! Pour en savoir plus, nous avons demandé l’avis de Luc Echilley, paysagiste concepteur, gagnant du Carré des jardiniers en 2013.  

Bonjour Luc Echilley. Avant tout, qu’est‑ce qu’une mauvaise herbe ? 

Portrait de Luc Echilley © M. Boigontier

Luc Echilley : Une mauvaise herbe, c’est tout simplement une plante que l’on ne veut pas voir à l’endroit où elle a choisi de s’installer… Ce n’est pas nous, paysagiste, qui l’avons plantée : elle se trouve, en quelque sorte, au mauvais endroit au mauvais moment! Par contre, on peut très bien la rencontrer et se dire qu’elle est au bon endroit…

Comme avec les joncs qui vivent dans les milieux humides. C’est très beau, et ça peut faire des champs spectaculaires… Dans cet univers, ils sont les bienvenus. Mais dans un jardin, ils peuvent vite devenir envahissants ! Ce sont de vrais colonisateurs qui empêchent les autres plantes de pousser. Et là, ils ne sont plus les bienvenus. Ainsi, une plante peut être la mauvaise herbe de quelqu’un… mais la « bonne herbe » de quelqu’un d’autre. Si je vous dis, par exemple, qu’un coquelicot est une mauvaise herbe : vous me direz que non, car dans un jardin il ne gêne pas… Bien au contraire ! Mais pour un agriculteur, le coquelicot est bel et bien une mauvaise herbe, car il n’en veut surtout pas dans son champ de blé. 

Donc, au fond, ces plantes ne sont pas si mauvaises… Certains disent même qu’elles améliorent la qualité du sol. Est‑ce vrai ?

Cela dépend des herbes ! Il y en a qui permettent, en effet, d’améliorer la qualité du sol. En se décomposant, les mauvaises herbes vont restituer au sol ce qu’elles ont précédemment aspiré. Mais ça, toutes les plantes peuvent le faire…  

Autre rumeur, on entend parfois que les mauvaises herbes attirent les auxiliaires. Qu’en pensez‑vous ?

C’est vrai mais, encore une fois, comme toutes les autres plantes ! Certaines mauvaises herbes peuvent attirer des insectes qui seront les prédateurs d’autres insectes nuisibles pour le jardin… Elles sont alors bénéfiques. 

De la même façon, une herbe peut attirer d’autres herbes. Si l’on prend le schéma d’une forêt par exemple, on va d’abord avoir des pins. Ils vont grandir et créer une ombre dans laquelle des chênes verts pousseront volontiers. Aux pieds de ces chênes verts, ce sont les buis qui vont ensuite aimer se développer. Et ainsi de suite. Avec les herbes, c’est un peu le même fonctionnement : quand l’une va arriver, elle va créer de l’ombre, de l’humidité, quelque chose de bénéfique à une autre variété qui pourra alors se développer.  

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Alors, doit‑on contrôler les mauvaises herbes dans son aménagement paysager ?

En fait, au lieu de lutter sans cesse contre une plante qui revient chaque année au mauvais endroit, et au lieu d’aller à l’encontre de la nature, il faut plutôt essayer d’aller avec la nature ! L’idée est de tourner autour des mauvaises herbes : réussir à les mettre en scène pour qu’elles nous soient profitables et, surtout, pour qu’elles deviennent esthétiques. Car il y a toujours une idée d’esthétique !

Comment faire pour bien les mettre en scène ?

Prenons l’exemple d’une bourrache à la floraison bleue, qui est parfois considérée comme une mauvaise herbe. Au lieu de se répéter qu’elle est gênante à continuellement pousser au même endroit, si on essayait plutôt de composer le jardin avec elle ? Histoire de faire en sorte que ce bleu devienne attirant dans l’aménagement paysager.   L’idée est de donner un intérêt à la plante pour qu’elle ne soit plus perçue comme une mauvaise herbe, mais comme un véritable élément de décor paysager.  

Doit‑on les laisser faire, tout simplement ?

Il faut plutôt trouver un équilibre ! Si on les laisse, on risque de se retrouver avec une monoculture. Il y a notamment des tailles à faire pour les floraisons et pour limiter la montée des graines.

Le plus important, je dirais que c’est avant tout d’observer les mauvaises herbes. Il faut observer leur comportement pour voir comment elles se développent. On peut alors découvrir comment les maîtriser et comment les utiliser au mieux pour les mettre en scène. Car l’idée, plutôt que de lutter contre ces indésirables, c’est de réussir à les rendre désirables ! Et pour cela, l’observation est essentielle. 

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Merci à Luc Echilley pour son témoignage.  


© Crédit photo : Pixabay / Peter Dargatz

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